La fiche Initiative accompagne l’analyste dans sa recherche des réponses-clés auprès des parties prenantes de l’initiative. Elle commence par dépeindre l’initiative à grosse maille. Elle se termine par les messages que communiqueront le sponsor et les managers pour la faire réussir.
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Étape 1 : Quels sont les contours de l’initiative ? Clarifier ses DONNÉES de base
Dans la fiche Initiative, vous avez écrit : « Pour poser nos questions à l’assistance technique ou entre nous, plutôt qu’utiliser le téléphone, adopter le chat. »
Soit. Précisons dès maintenant : quoi, quand, combien, où, comment, à quel prix.
Typiquement, ces éléments forment la trame de la charte du projet. Certes, pour l’instant, il n’y a pas projet : pas d’équipe, pas de budget, pas d’engagement. En même temps, ces éléments peuvent être décrits, sans précision à ce stade, mais avec exactitude.
Retour d’expérience sur l’étape Données de base
Comme chef de projet, j’ai presque toujours reçu les données de base. Ou plutot, des données de base. Toujours très étonné de voir avec quel aplomb mon interlocuteur m’annonce les limites de budget et les moments-clés. Comme s’ils les avaient réfléchies de longue date. C’est plus tard que je me suis rendu compte qu’il s’agit de trois phénomènes classiques :
- mon client a peur de montrer combien il est dans l’incertitude, alors il fait mine de savoir quelle solution il veut ;
- en tant que chef de projet, j’arrive sur le tarmac avec un train de retard ; avant mon arrivée, mon client a peut-être arraché la décision de lancer ce projet en gonflant la solution, en minimisant les coûts sur un calendrier de livraison optimiste ;
- enfin, mon client a peur que je revienne vers lui avec un devis pharaonique… aussi place-t-il le curseur comme s’il s’agissait d’une limite infranchissable. Il entame la négociation, en fait.
De fait, quelques jours plus tard, lorsque je reviens avec une ébauche différente (moins de fonctionnalités, plus cher et plus tard ?), je trouve mon client prête à discuter.
Étape 2 : A quoi sert-elle, quel problème résout-elle, quelle opportunité poursuit-elle ? Partir de la RÉALITÉ
La fiche initiative synthétise ce que vous avez compris de l’enjeu. « Au téléphone, je suis bloqué jusqu’à ce que j’aie obtenu ma réponse ; avec le chat, je continue mon travail en parallèle. »
« Le service d’assistance technique se plaint d’être harcelé au téléphone. »
Ce bloc est l’endroit où vous documentez la réponse à cette question-clé : que voulez-vous changer ?
En effet, jusqu’à présent, votre organisation fonctionne, n’est-ce pas ? Pas aussi bien que vous le souhaiteriez, mais bon. Du coup, que voulez-vous changer ?
À qui poser la question ? Avec qui réaliser cette étape ? Qui dois-je solliciter ? Réponse : le.a sponsor de l’initiative.
Retour d’expérience sur l’étape Réalité
Je disais plus haut : le client a l’air de savoir ce qu’il veut. De quel droit devrais-je le questionner sur ses motivations, sur ses objectifs ?
C’est qu’il s’agit de bien comprendre les limites des attentes client, lorsque l’initiative deviendra projet.
Par exemple, mon client dirige une école d’ingénieurs et me demande de déménager son campus francilien à Bourganeuf. A quoi constatera-t-il que c’est une succès ? Au fait que tous les interrupteurs électriques marchent sur le site de Bourganeuf, ou au nombre d’étudiants qui se pressent au concours pour intégrer son nouveau campus ?
Voilà pourquoi je m’autorise à poser la question : que voulez-vous changer en déménageant votre campus francilien à Bourganeuf, chose que nous pouvons réaliser, bien entendu. Réponse : c’est pour augmenter drastiquement l’impact de notre école sur le marché du travail des jeunes ingénieurs ! Ah ! il ne suffira pas que les circuits électiques fonctionnent…
Petit à petit, la réflexion nous conduira à étendre le contenu du projet à la réalisation d’un campus à l’américaine ouvert sur la ville.
Étape 3 : Pourquoi faudrait-il lancer cette initiative ? Contribuer aux OBJECTIFS
Pourquoi lancer cette initiative-là plutôt qu’une autre ? Quels impacts a-t-elle sur les objectifs de l’organisation ? Ces derniers, que sont-ils ? « productivité », « service client » et « maîtrise des coûts » ?
Sur la fiche initiative, vous clarifiez ce qu’apporte l’initiative aux objectifs de l’unité business, par exemple : « Gros impact direct sur la productivité, > 15% », « coût réduit de >5% ». Ici, « productivité », « coûts réduits » sont les objectifs de l’unité business. « >15% », « >5% » sont les contributions de l’initiative à ces objectifs.
Ce paragraphe s’écrit à deux mains. Une première main, celle du sponsor de l’initiative, définit les objectifs de l’organisation. Souvent, en tant que lanceur d’initiative, je ne suis pas légitime à dire quels objectifs mon unité poursuit. C’est mon chef, ou le chef de service, qui est là pour ça. C’est à lui/elle de clarifier les objectifs de son unité.
Une seconde main, la nôtre, évalue comment l’initiative que nous sommes en train de lancer contribue à chacun des objectifs de notre organisation.
- Pour quels objectifs notre initiative est-elle incontournable ? tel objectif ne saurait être atteint si l’initiative échoue ?
- Quels sont les objectifs auxquels elle contribue fondamentalement, ou bien au moins directement ?
- L’atteinte de certains objectifs est-elle indirectement facilitée par notre initiative ?
- Enfin, il se peut que notre initiative soit anecdotique par rapport à tel objectif, ou optionnelle.
Étape 4 : Qui concerne-t-elle ? Examiner leur VOLONTÉ
Moi, mes collègues, le service d’assistance technique, le service informatique et nos manageurs respectifs, sommes les personnes ou groupes de personnes intéressés de près ou de loin, positivement ou négativement, au projet ou au produit du projet? Y a-t-il d’autre personnes dans ce cas ?
L’idée de ce paragraphe est de faire la liste, exhaustive si possible, des parties prenantes de l’initiative. D’autant plus important qu’une partie prenante oubliée a généralement le pied sur le frein…
En second lieu, il s’agit d’analyser chaque partie prenante :
- a-t-elle les caractéristique d’un sponsor/commanditaire ? A savoir, pouvoir, ressources et intérêt personnel.
- y a-t-il pour elle une raison impérieuse d’agir ?
- est-elle en capacité d’agir ? compétences, outillage, etc.
- l’initiative peut-elle s’imposer sur sa table de travail dans la compétition avec les activités de cette partie prenante par ailleurs ?
- pour cette personne ou ce groupe de personnes, le jeu en vaut-il la chandelle ? y a-t-il un bénéfice pour elle, pour elles ?
Et si je réponds « non », qu’est-ce que je peux faire ?
Pourquoi se préoccuper des « oui » ou des « non » aux quatre questions raison d’agir + capacité + priorité + gain personnel ? C’est que moi, le lanceur de l’initiative ou le chef de projet, je peux, je dois agir pour convertir chaque « non » en « oui ».
Pourquoi ? Parce qu’une partie prenante qui répond un seul nom ne bougera pas, ne participera pas, ne jouera pas son rôle dans le projet à venir. Elle gardera le pied sur le frein. J’ai donc bien intérêt à identifier son « non » et, plus largement, ses besoins.
Comment faire pour convertir un « non » en « oui » ?
- Raison impérieuse d’agir inexistante ? Mettre en évidence une panne du système, intégrer les objectifs du projet dans les objectifs de performance de la personne, escalader auprès de son manager.
- Absence de capacité ? Est-ce un problème de manque d’outil, ou de nouveauté de l’outil ? Equiper ou former la partie prenante.
- Priorité minime ? Comment faire de la place à notre initiative sur la table de travail de cette partie prenante ? La décharger de ce qui l’encombre ?
- Gain inexistant ? Prendre contact avec le manager/superviseur de la partie prenante et examiner avec lui ce qu’elle pourrait gagner à la réussite de l’aventure. Faire en sorte que ces deux-là aient une conversation « Desire« .
Retour d’expérience sur l’étape Volonté
Pieter DEMEESTER, Change Manager de la société NEXUM, m’indique que ces questions intéressent les personnes qui ont à décider. Oui, c’est bien cela, dire oui ou non à l’initiative. Il me semble que tous les niveaux hiérachiques sont concernés :
- Un sponsor a à choisir de consacrer les ressources de son unité business à cette initiative plutôt qu’à une autre;
- Un manager a à choisir de soutenir l’implantation du produit ou de l’outil, ou du nouveau processus dans son équipe;
- Un utilisateur a à choisir d’utiliser le produit, l’outil qu’il reçoit du projet, ou de se conformer au nouveau processus.
Pour ce dernier exemple, celui de l’utilisateur, un technicien m’a objecté : ce n’est pas à l’utilisateur de décider, c’est à l’entreprise, et l’utilisateur fait ce que lui demande son chef, non ? On peut le penser, et en même temps les exemples abondent d’utilisateurs qui freinent, ou qui refusent. Comme si l’autorité hiérarchique ne suffisait pas toujours à faire adhérer les utilisateurs… C’est l’objet même de la présente démarche : comment surmonter les résistances au changement ?
Étape 5 : Alors, finalement, si l’on en fait un projet, quels messages communiquer à son sujet ? Faire prendre CONSCIENCE
Comment s’y prendre avec les parties-prenantes pour leur adhésion ?
Communiquer les raisons qui font que c’est une bonne idée, les écrire noir sur blanc sur la fiche initiative.
Convaincre de ce que chacun y gagne, en regard d’un investissement parfois conséquent :
« Plus besoin de prendre des notes, toute la conversation est écrite »
« Plus besoin de suspendre son travail le temps du dépannage, la main, la bouche et les oreilles sont libres ! »
Pour nous, il s’agit d’écrire une communication sur ces quatre questions :
- que changeons-nous ?
- pourquoi changeons-nous ?
- quels risques si nous échouons ?
- quelles contributions à nos objectifs ?
Bien noter qui est l’émetteur de cette communication et qui doit la recevoir, pour que ça fonctionne :
- l’émetteur est le sponsor / commanditaire.
- les récipendaires sont toutes les personnes concernées par l’initiative / le changement
Nous devons ces éléments aux recherches de la société PROSCI qui a développé le Modèle ADKAR® d’où sont issus ces items et ceux qui suivent.
Clarifier ce qui change dans les habitudes de travail, dans les responsabilités des collègues. Donner ENVIE
« Ce qu’il faut désormais, c’est se connecter au service de chat dès le matin. »
Aux managers d’avoir avec chaque collaborateur une conversation sur ces changements d’habitudes de travail et de responsabilités :
- Qu’est-ce qui change dans les activités du collaborateur,
- Idem, qu’est-ce qui change dans ses responsabilités,
- Qu’est-ce que le collaborateur y gagne,
- Et l’équipe, qu’est-ce qu’elle y gagne, elle.
Important : il faut un échange entre superviseur et collaborateur sur ces points-là. Avant que le collaborateur ne soit certain qu’il y a bien un accord entre son manager et lui, il reste campé sur ses anciennes positions, l’attitude la plus sage en l’occurrence. Si, pour le succès de l’initiative, le collaborateur doit changer quelque chose à sa façon de faire, une discussion avec son manager est incontournable : c’est elle qui marquera le top-départ du nouveau comportement.
Le sponsor est-il prêt à transformer l’initiative en projet ? DÉCIDER
Selon les réponses, les parties prenantes décident de mettre l’idée en œuvre pour de vrai, l’initiative devient projet. Pour faire de cette décision une réalité, une personne particulière doit prendre la décision et l’annoncer haut et fort : c’est le sponsor / commanditaire. Identifier cette personne, la convaincre, l’accompagner dans la communication de sa décision et les actions qui suivent, c’est notre job, et la fiche Initiative est conçue pour nous y aider.
Que faire si le sponsor n’a pas encore participé ? INFLUENCER
Souvent, en effet, nous avons dû remplir la fiche Initiative sans l’aide du sponsor, soit que cette personne reste à identifier, soit qu’elle soit encore indisponible au moment où nous travaillons à l’initiative.
A ce stade, un elevator pitch pourrait être bienvenu, afin d’intéresser le sponsor / commanditaire suffisamment pour qu’il/elle nous invite dans son bureau pour en discuter.
En tous cas, l’absence du sponsor ne nous empêche pas de faire des hypothèses sur les objectifs du Service ou de la Business Unit qu’il/elle dirige. Il sera toujours temps de valider cela avec lui/elle.
Pour le reste des items de la fiche, allons-y nous-mêmes, c’est dans nos cordes, que dis-je, c’est notre responsabilité.
Voir aussi :
La fiche Initiative fait peur ? Essayez la fiche Initiative simplifiée.
Références
ADKAR® est un modèle déposé par la société PROSCI, Colorado, USA. Les questions aux paragraphes CONSCIENCE et ENVIE sont également issues des concepts développés par la société PROSCI.
Mises à jour
Pieter DEMEESTER m’a donné son feedback le 30 janvier 2018 sur l’orientation « décideurs » du questionnaire VOLONTE. Merci à lui de me fournir l’occasion de préciser que, finalement, chaque partie prenante décide. Ainsi, notre rôle est d’aider chaque partie prenante à adhérer, donc à décider de participer activement à l’initiative / au projet.
Le 12 mars 2018, Philippe SUSINI, étudiant à l’Ecole Spéciale de Travaux Publics, me fait la remarque que l’étape 1 des données de base devrait se trouver en 3ème place. Juste remarque, qui m’invite à évoquer notre vécu de chef de projet qui arrive tard dans le processus de l’initiative, à un moment où tout a l’air clair. J’en débriefe avec Eric EMOTTE, de l’Association du Management de l’Innovation (AMI) puis avec Eric COMONT (chercheur au GRECAT Groupe de Recherches et d’Etudes Concertées sur l’Agriculture et les Territoires en NPdC) : oui, le chef de projet est fondé à questionner les données de base, sans quoi il peut réaliser un projet qui n’apporte rien au client, lequel finira par se retourner contre lui. J’ai donc rédigé les paragraphes « Retour d’expérience » de l’étape 1 et de l’étape 2.