Planning détaillé ou pas ? Le détail est souvent (toujours) demandé en cas de retard. Et pourtant, on continue d’accumuler les retards. Alors, détail ou pas ? Eh bien, ça dépend. Vous voulez être sûr de savoir livrer un livrable ? détailler le livrable et les activités vous aidera. Vous voulez vous engager sur la date de livraison ? Evitez les détails, oubliez la précision, investissez au contraire sur l’exactitude des prévisions, c’est à dire appuyez-vous sur vos réalisations passées pour estimer les charges à venir.
Planning détaillé ou pas ? Quelle question ! Détaillé, bien sûr !
Vous êtes en retard ? Ce qu’on vous demande alors, c’est un planning détaillé. Ca ne manque jamais !
Alors, pourquoi est-on toujours en retard sur un planning détaillé ? C’est que :
- c’est difficile planifier ce qu’on va faire à moyen terme, si on veut arriver à un niveau de précision important,
- ça demande du temps et de l’énergie au chef de projet, qui en oublie ses autres responsabilités, dont celle de dégager les obstacles du chemin des équipiers,
- ça crée des frustrations, comme de manquer encore une fois un micro-jalon ou de devoir expliquer qu’on est à nouveau en retard.
La précision rassure sur nos capacités à réaliser le livrable
Pourquoi donner un niveau de précision important ? Ce n’est pas complètement absurde : décomposer le travail en éléments fins permet de s’assurer qu’on est capable de le faire et ça permet d’être sûr d’être en mesure de le réaliser, ça rassure sur la capacité de réalisation.
Par contre, il est faux de penser qu’en faisant l’estimation de ces items très fins et en sommant les estimations, on arrive à qqch de raisonnable ou proche de la réalité. Non, c’est juste précis mais ça n’est pas exact.
Nota bene : « à défaut d’être exact, soyez précis » est un conseil valable pour les orateurs, certainement. Pas pour nous autres, organisateurs de travaux collectifs.
Les expériences passées nous donnent les éléments pour être exact
Une façon d’être exact, d’après Rolf Dobelli dans son bouquin The Art Of Thinking Clearly, en Français « Arrêtez de vous tromper » (je préfère le titre anglais, « L’art de penser avec clarté », plus valorisant pour le lecteur), c’est de se rapporter à des expériences passées. Je serais même tenté de dire : c’est la seule approche valable. Mais je reste prudent.
Par exemple, on est capable de faire des plans à 4 milliards d’euros pour les jeux olympiques pour une ville, en faisant la décomposition structurée des livrables et des activités, et faisant des estimations au niveau des lots de travail (les work packages du PMBOK), on arrive à 4 milliards, tout en sachant que les villes précédentes, c’était un budget réel de 8 milliards, ou de 12 milliards à la fin.
Peut-être que ça répond à la gestion des investisseurs. Peut-être que les gens sont plus enclins à faire confiance à un chiffre qu’ils savent faux mais qui leur paraît précis, plutôt que de dire oui à quelque chose exact mais flou.
Exact, qu’est-ce que ça veut dire ? Quand on fait des estimations sur la base de ce qu’on sait qu’on a déjà fait, on est exact, mais pas précis. Votre projet est de l’ordre de 10 milliards, plus ou moins 2 ou 3 milliards. Mais ce n’est pas 4 milliards. Nous, on n’est pas précis, mais la bonne valeur est quelque part par là. Mais qui veut acheter ça ? Personne, en fait.
Un échéancier imprécis et exact, c’est ce qu’il nous faut
Un planning détaillé, donc,
- c’est frustrant quand je le fais, je prends plein d’hypothèses que je sais être fausses,
- ça m’énerve parce que je sais que je produis quelque chose d’absurde et que mes coéquipiers ne tiendront pas,
- ça m’agace parce que j’ai le sentiment de m’engager sur quelque chose que je sais que je ne tiendrai pas, et ça mine la confiance entre nous.
C’est terrible, le détail dans un planning. C’est comme si je donnais le bâton pour me faire battre. Je m’engage sur des choses que je ne sais pas tenir. Et je me donne aussi l’obligation de mettre à jour, et ça sera compliqué, et ça sera souvent. Franchement, ça ne me donne pas envie de faire des plannings détaillés.
Finalement, quand je suis arrivé sur le projet, je fais un planning à grosse maille, eh bien, sachez que ce planning à grosse maille, nous le tenons.
Cet échéancier imprécis un gros avantage, parce qu’il n’est pas précis, justement. C’est génial :
- il est très rapide à réaliser, je l’écris en 58 minutes pour un projet d’un an,
- il est exact, puisqu’on le suit globalement,
- enfin il est rapide à maintenir : lorsqu’il y a des modifications, je mets moins d’un quart d’heure à le mettre à jour.
C’est le One Page Project Manager, qu’on trouve sur internet.
OK pour le planning détaillé mais court terme
Pour les deux ou trois jours qui viennent, va pour un planning détaillé.
Pour le reste, un planning à grosse maille est une bien meilleure solution, mois par mois. Ensuite, il faut juste faire le job et ça devrait aller.
Bien, mais maintenant, comment est-ce que je réponds à mon manager qui veut toujours plus de détails ?
Ah, oui, la question initiale est aussi : OK pour le détail qu’il faut éviter, mais que répondre à mon manager qui ne cesse d’en demander ?
C’est que notre biais cognitif classique en la matière, c’est que l’abondance de détails nous permet de mieux décider, et donc ça nous rassure.
En fait, nous dit Rolf Dobelli, une bonne décision est possible dès le début de la collecte d’information. C’est le moment où le détail fait défaut, mais où l’essentiel est connu.
Du coup, j’interprète la demande de détails de mon management plutôt comme une recherche d’informations pour se protéger ultérieurement en cas de souci. Se protéger de quoi ? Eh bien, de retards de livraison, etc. Toutes choses moins fréquentes, c’est un euphémisme, lorsque nous planifions notre action à grosse maille.
Du coup, mon manager demande plus de détails, qui provoquent les retards dont il veut se protéger par un discours fondé sur les détails, qui provoquent les retards…
Une discussion s’impose entre nous. Quel meilleur outil pour la préparer que l’elevator pitch ?
Objection : le diable n’est-il pas dans les détails ?
Certes. Le diable est dans les détails.
Et moi, quand suis-je dans le détail, pour débusquer le diable ? principalement à deux moments :
- avec l’équipe, avant ou après l’exercice de l’OPPM, nous prenons soin de décomposer ensemble le travail à réaliser. Par exemple, en utilisant un mindmap (voir la décomposition structurée du travail de la mièlerie dans l’article sur l’OPPM). Chacun évoquera les détails qui lui sont essentiels.
- comme évoqué plus haut, nous détaillons ensemble les activités des jours qui viennent, autant que nécessaire pour assurer la coordination entre nous.
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