Le PMI fait sa crise de la cinquantaine et ça lui va bien. Quels impacts sur nous autres, PM et Agilistes, et aussi formateurs et accompagnateurs de PMs en quête de la certification PMP® ?
Ce qui suit est ma réflexion personnelle d’accompagnateur PMP® de base, à l’occasion de la sortie de l’Examination Content Outline 2019 qui s’appliquera à l’examen du PMP à partir du 1er juillet 2020. Cette réflexion n’engage que moi, bien sûr, et si des erreurs s’y trouvent, elles sont miennes. Puissent mes pensées faire avancer le schmilblick !
Le PMI est une association professionnelle de 50 ans en 2019. Elle a touché deux générations de PM. Je fais partie de la seconde génération. Elle cherche à toucher la génération suivante…
Renouveler la pertinence
Le PMBOK s’est considérablement grossi. Depuis la version 1996 jusqu’à la 6° édition, le nombre de page a triplé.
Un truc d’ingénieurs, aussi, avec sa notion de processus : Entrées, Outils et techniques, Sorties. Un référentiel, quoi.
J’ai l’impression qu’un tour a été fait de la question “organisation”, savoir et savoir-quoi-faire.
Or, je suis convaincu que le PMI en tant qu’association professionnelle, c’est à dire en tant qu’organisation, cherche sa pérennité, donc l’augmentation de ses revenus. Comme le nombre de chefs de projet est assez limité dans une société donnée, l’équation économique comporte deux axes de progression des revenus :
- s’adresser à d’autres sociétés qu’on n’aurait pas touchées jusque là,
- faire acheter une nouvelle version d’un produit à ceux qui ont déjà acheté une version précédente.
Tout cela dépend d’un paramètre-clé, il me semble : il faut que le PMI soit vu comme toujours aussi ou toujours plus pertinent. Il faut que les chefs de projet se retrouvent bien dans les produits PMI.
Je crois aussi que le PMI pourrait vouloir intéresser plus de gens au management de projet :
- les chefs de projet Agile – de plus en plus nombreux et somme toute réfractaires à l’approche béton ITTO (Inputs Tools and Techniques Outputs) classique du PMBOK® – une bonne cible pour élargir la base de la clientèle PMI ;
- toute personne souhaitant changer quelque chose à son environnement, cherchant à atteindre tel objectif business en lançant tel projet (définition de l’initiative business) – mais peu probable que ces personnes aillent jusqu’à une certification PMI (= deviennent clients du PMI), il me semble.
Ce qu’il faut pour un examen sur un métier : le réalisme
S’il faut que la certification PMP® sanctionne les meilleurs professionnels du management de projet, il faut donc que l’examen PMP® soit réaliste. D’où les enquêtes que le PMI a réalisées auprès des PM certifiés dans le monde en leur demandant : votre job de PM, il consiste en quoi en fait ? En fonction de ce que vous répondrez, nous construirons un examen.
Exemple : si votre job consiste à résoudre des conflits, nous construirons l’examen avec des questions par lesquelle nous nous assurerons que le candidat sait résoudre des conflits. Mais peut-on s’assurer par questionnaire qu’une personne sait résoudre un conflit ? Et si oui, comment faire ?
Construire un examen juste
Un fondement d’une bonne certification, c’est la justesse. Quid des questionnaires dont les “bonnes réponses” sont discutables, dont les “mauvaises réponses” ne peuvent être exclues comme étant bonnes ? Il ne faudrait pas qu’un étudiant vienne contester ses résultats à l’examen en remettant en question la vérité des réponses !
Pour que son examen soit juste, un prof prend soin de fourbir des questions :
- qui s’appuient sur un référentiel considéré comme valide par la communauté scientifique – le prof n’est pas un charlatan
- qui concernent un contenu partagé par les participants à l’examen avec documentations, cours, etc. – le prof a donné ses cours
- sur les sujets indiqués comme étant dans le “programme” de l’examen – le prof a indiqué ce qui est dans l’examen et ce qui est exclu de l’examen
Jusqu’à présent, d’où l’examen PMP® tirait-il sa justesse ?
- du PMBOK® dernière version en date – dans les corrections, les rédacteurs indiquaient sur quels paragraphes du PMBOK® ils s’appuyaient.
- des ouvrages de vulgarisation sur des thèmes connexes comme les RH, la Qualité – les rédacteurs affirmaient des “vérités” diffusées par des gourous dans toutes les formations au management du Globe.
Mais qu’est-ce qui fait qu’un thème rentre dans le programme de l’examen ? Par exemple, qu’est-ce qui a fait que l’approche “critical chain” soit introduite dans l’examen PMP® ? Est-ce parce qu’elle est présente dans le PMBOK® 4° edition, paragraphe 6.5.2.3 Develop Schedule – Tools and Techniques – Critical Chain Method ? Or elle n’est plus citée nommément dans le PMBOK® 6° edition. Critical Chain ne se retrouve pas non plus dans l’ECO-2015. Donc, fait-elle encore partie du programme à réviser ? Dit autrement, suffit-il qu’un item ait été un jour dans l’examen PMP® pour qu’il y reste ?
Quels référentiels ?
Le PMBOK® est une question de Knowledge, de connaissance. Et l’ECO est une question de pratique.
Le résultat de l’enquête pré-2015, l’ECO-2015, permettait facilement de faire le lien entre les activités et le PMBOK®. Il y avait correspondance entre les activités et les 49 processus, comme le montre le tableau que j’ai réalisé.
Par contre, L’ECO-2019 change la physionomie du contenu de l’examen. Il s’agit maintenant de 3 domaines, de tâches et de travaux
- domains : high-level knowledge areas
- tasks : underlying responsibilities of the PM
- enablers : illustrative examples of the work associated with a task
Mais qu’ont fait les rédacteurs de l’ECO-2019 du PMBOK® ? De fait, l’ECO-2019 est introduit par ces phrases étonnantes : “Finalement, il y a des différences notables entre l’ECO-2019 et le PMBOK® 6° edition. Bien qu’il y ait certaines choses en commun, il est important de noter que les volontaires engagés dans l’étude décrite plus haut (l’enquête ECO-2019 elle-même) n’ont pas été liés au guide PMBOK®” (“… were not bound by the PMBOK® Guide“). Comme s’ils l’avaient volontairement mis de côté. Leur but n’était pas de faire le lien entre les activités réelles des PM répondants et les processus décrits dans le PMBOK. Et ils ne l’ont pas fait.
Est-ce à dire que le PMBOK® est has-been, que l’examen ne s’appuie plus du tout sur lui ? Non. Peut-être sommes-nous témoins que le PMBOK® perd son statut de pièce centrale du dispositif.
Est-ce à dire que l’examen ne s’appuie plus sur le PMBOK® uniquement ? Oui. C’était déjà en partie le cas. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, lorsque j’ai préparé l’examen du PMP® en 2000 sur la base du PMBOK® 1996, l’instructeur disait : 75% des réponses sont dans le PMBOK®. Donc il restait 25% de questions fondées sur autre chose.
Dans une vidéo, Greta BLASH propose une diapo récapitulative des références du nouvel examen PMP. Plus récemment, le PMI a publié sur son site sa propre liste de références pour l’examen PMP®.
Déjà, dans l’ECO-2015, les PM répondants mettaient en évidence des aspects savoir-faire. Dans l’ECO-2019, c’est devenu l’essence du métier, à première vue. Comme le conclut l’introduction à l’ECO-2019, “les volontaires engagés dans cette mission étaient chargés de décrire les tâches essentielles des personnes qui dirigent et managent des projets en se fondant sur leur expérience et sur des ressources pertinentes”. Sont-ce les volontaires qui se fondent sur leur expérience et sur des ressources pertinentes à leurs yeux ? ou les personnes qui dirigent et managent des projets (“… individuals who lead and direct projects based on their experience and pertinent resources.“) ?
Prédictif ET Adaptatif
Là, énorme changement pour nous autres, chefs de projet, de quelque monde que nous venions, prédictif (c’est mon cas) ou adaptatif (un petit rien d’expérience) ou encore hybride. Si je comprends bien le principe caché du PMI, en proposant que la moitié des questions relèvent de l’approche prédictive et l’autre moitié des approches adaptatives ou hybrides, nous sommes sensés connaître les situations, les façons de procéder, les difficultés et les solutions de tous ces mondes-là.
Pipa, PM d’un grand projet tel que le suppose Rita, maîtrise également l’adaptatif et l’hybride. Gasp. Ou bien faut-il lui adjoindre un collègue spécialisé dans l’adaptatif et l’hybride ?
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